Les équipes de TI8 : Virtus Pro

Par darwyn, le 29.05.2018

Les présentations des équipes qui joueront The International en août se poursuivent. Pour aborder Virtus Pro, première équipe à avoir sécurisé sa place dans ce tournoi, deux fans reconnus qui sont aussi des personnalités de la communauté française apporteront leurs éclairages : Profchen et YouYou.

Retrouvez le premier article publié :

  1. Team Liquid, les vainqueurs de 2017 (écrit par Llewela ; invités Kaoru et Ze_HailD)

 

Une équipe de premier plan

Virtus Pro avait connu quelques succès en 2015, après de longues années de relégation au second plan sur la scène CIS. C'est cependant l'été 2016, après un échec cuisant dans le Qualifier pour TI6, qui se révèle déterminant pour la structure russe. Virtus Pro change à cette occasion l'intégralité de ses joueurs, en se séparant notamment de son capitaine fng.

L'équipe qui naît alors réunit des joueurs venus d'horizons divers, passés souvent par de nombreuses équipes de la zone : RAMZES666, le petit jeune ; No[o]ne, l'un des mids les plus prometteurs de la région ; 9pasha, ancien coéquipier du précédent ; Lil, ancien de VP ; Solo, capitaine expérimenté et parieur invétéré. Elle évite cependant le sort de la plupart de ces stacks instables, qui se font et se défont : les cinq joueurs recrutés début août 2016 restent ensemble un an et demi. S'ajoute à ce groupe un coach reconnu, Artstyle, ancien capitaine de Na`Vi, qui rejoint VP en mars 2017. S'ouvre donc une période longue, marquée par de grandes réussites.

 

Lors de la saison 2016-2017, Virtus Pro a su se faire remarquer très tôt, notamment lors de The Summit 6. Il a toutefois fallu attendre le mois d'avril, avec le Major de Kiev, pour qu'elle apparaisse comme l'une des principales forces à l'orée de The International : finaliste de ce Major, elle a combattu OG de toutes ses forces. L'expérience et la solidité de l'équipe européenne, multiple vainqueur de Majors sur deux saisons consécutives, ont fait la différence.

Etait-ce vraiment un échec pour Virtus Pro ? L'équipe russe a été en mesure de rebondir rapidement et de belle manière en remportant le DOTA Summit 7 d'une manière inédite : en s'obligeant à jouer des héros différents à chaque partie (sauf en finale). Ce coup d'éclat a fait taire les critiques qui avaient pointé, après un EPICENTER décevant, une équipe peu diversifiée. Il a également propulsé Virtus Pro comme l'un des favoris incontestables de The International 2017.

Comme de juste, VP avait été invitée par Valve à son championnat annuel. La team n'y a pas démérité. La phase de groupe n'a pas été particulièrement flamboyante, mais a débouché sur le Winner Bracket. Las, les Russes se sont heurtés à une équipe LFY en pleine ascension (elle a fini sur la troisième marche du podium), puis à une Team Liquid bien lancée sur sa remontée du Loser Bracket. Virtus Pro s'est donc arrêtée là, après un Bo3 très intense (la première manche a duré 103 minutes !) qui déboucha sur un top 6 tout à fait honorable, quoiqu'un peu décevant sans doute.


ESL One Katowice, février 2018

Ralentissement ou hégémonie ?

Après The International, Virtus Pro a fait partie du petit groupe d'équipes bien classées qui n'ont pas souhaité faire évoluer leur composition. Elle a rapidement montré qu'elle restait la force principale de la zone CIS et l'une des meilleures équipes au monde. En remportant le premier Major de la saison, l'ESL One Hambourg, Virtus Pro a pris d'entrée de jeu une belle option sur l'invitation à TI8.

Pourtant les résultats ont petit à petit ralenti après cette victoire initiale. Les tournois suivants ont été peu enthousiasmants : top 4 dans deux Minors, la Dota PIT League et la MDL Macao, et un simple top 6 n'apportant aucun DPC à la DreamLeague saison 8. La victoire dans le DOTA Summit 8, en l'absence des grosses équipes du moment, n'a fait figure que de maigre consolation, très temporaire qui plus est : à l'ESL One Genting, le mois suivant, a été un nouvel échec.

Afin d'enrayer cette série noire qui affectait la cohésion et le moral du groupe, Virtus Pro a alors pris une décision audacieuse, en changeant son position 4. Considéré comme la principale faiblesse de l'équipe par ses coéquipiers, le support Lil a été échangé avec RodjER, venant de chez Na`Vi. C'était se séparer du dernier lien existant entre la line-up récente et le passé de VP, puisque Lil était le dernier survivant de la première grande équipe de la structure, entre 2014 et 2016.

Ce changement aurait pu se révéler catastrophique. Il a au contraire conduit Virtus Pro vers de nouveaux sommets. Moins d'un mois après le changement, la team conduite par Solo remporte un nouveau Major, l'ESL One Katowice. Trois semaines plus tard, la même récupère le trophée dans le Major Bucarest.

Les trois victoires dans des Majors ont propulsé Virtus Pro largement en tête du classement DPC : dès le mois de mars 2018, Virtus Pro a été assurée d'être invitée à The International 2018. Une consécration précoce mais amplement méritée.

 

Palmarès de la saison

Virtus Pro a participé à dix tournois du circuit pro, dont six Majors. Elle a remporté cinq titres, quatre dans des Majors, ce qui la place loin devant les autres équipes de la saison.

  • ESL One Hambourg 2018, 1er
  • AMD Sapphire Dota PIT League, 4ème
  • MDL Macao, 3-4ème
  • Dota Summit 8, 1er
  • ESL One Katowice 2018, 1er
  • Bucarest Major, 1er
  • Dota Asia Championships 2018, 3ème
  • EPICENTER XL, 4ème
  • ESL One Birmingham, 1er

 

Quelle Virtus Pro aujourd'hui ?

Les résultats suivants ont été moins flamboyants, tout en restant plus qu'honorables. Au DAC, VP n'est arrivée qu'à la troisième place (après avoir dû remonter le Loser Bracket). L'EPICENTER XL s'est conclu sur une simple quatrième place, suite à une défaite contre une équipe CIS très peu attendue, FlyToMoon. Ce sont d'excellents résultats dans l'absolu, mais pouvaient laisser penser que la période de domination était révolue.

Avec l'invitation à TI8 en poche, Virtus Pro avait-elle encore besoin de se démener ? L'équipe russe a ainsi annulé sa participation au MDL Changsha Major pour ne pas s'épuiser. Cependant l'ESL One Birmingham conclu dimanche a montré qu'elle reste au meilleur de sa forme, en réussissant l'exploit de remporter un Major sans perdre la moindre partie ! Le SuperMajor, dans quelques jours, sera un nouveau test. Quoiqu'il en soit, avec ses quatre victoires en Major sur la saison et ses plus de 10 000 DPC, Virtus Pro persiste et signe : elle est sans doute l'équipe à abattre avant The International.

Virtus Pro a pour elle de nombreux atouts, dont le moindre n'est pas l'aura qu'elle dégage : elle est l'une des principales forces de la scène compétitive actuelle, ce qui la place d'emblée en position de force par rapport à ses adversaires, qui peuvent facilement partir en position de faiblesse. Elle a également su, cette année, se défaire de ses faiblesses en montée de highground qui ont valu quelques déconvenues la saison précédente. Virtus Pro possède en outre la capacité de jouer des héros atypiques et surprenants sur plusieurs de ses joueurs, ce qui peut mettre en difficulté l'adversaire dès la phase de draft.


ESL One Birmingham, mai 2018

Nous avons fait le point avec Profchen, fan incontesté de la line-up et commentateur à ses heures sur la FroggedTV, sur ce qu'est Virtus Pro actuellement :

Comment définirais-tu en quelques mots le style de Virtus Pro ?
Agressif. Jubilatoire. Stratégique.

Quel est leur principal point fort ?
Le warding : ils voient tout et contrôlent au mieux la carte.

Et leur principal point faible ?
Le late game, moins solide que pour d'autres équipes, car ils ne sont pas assez prudents en engageant des teamfights.

La phase de jeu où ils sont les plus forts ?
La phase de lane et la sortie de lane, où ils prennent un avantage énorme.

Trois héros emblématiques ?
Le Disruptor de Solo, le Dragon Knight de No[o]ne et le Lifestealer de RAMZES.

Qui est leur joueur clef ?
Solo, le capitaine, sait unifier les joueurs. Il assure le warding, donc la vision, et donne énormément d'informations à son équipe. Même sans items, il est efficace tout au long de la partie.

Dans quel tournoi VP t'a le plus impressionné ?
L'ESL One Katowice, premier tournoi avec RodjER (donc une nouvelle composition). Ce tournoi montre que le transfert était le bon choix.

Décrocher l'Aegis en 2018, pour VP, ce serait...
Incroyable !

 

Les joueurs de la line-up

RAMZES666

RAMZES n'est plus tout à fait le petit jeunot d'antan, même s'il n'a que 19 ans. Il a commencé la compétition à 15 ans, chez ScaryFaceZ puis Team Spirit. Team Empire l'avait débauché au printemps 2016, sans que cela ne débouche sur une qualification à The International. Il est passé chez Virtus Pro en août 2016. Très talentueux individuellement, il a été le premier à franchir la barre des 10k MMR.

  • The International 2017 : Virtus Pro, 5-6ème

RAMZES a toujours joué carry en compétition. Cette saison il lui arrive cependant plus fréquemment qu'avant de changer de ligne voire de type de héros, notamment pour aller mid. Il est en général sur des héros assez agressifs, capables de tenir en 1v1 et de participer rapidement à des combats (ces derniers temps, beaucoup de Terrorblade, Juggernaut et Lifestealer). Son skill individuel lui permet souvent de sortir de la phase de laning avec une avance conséquente sur laquelle il capitalise pour se diriger vers la victoire.

A surveiller : Broodmother, Morphling

 

No[o]ne

Lui aussi a débuté la compétition très jeune. C'était en 2014. Il s'est rapidement fait connaître, ce qui lui a permis d'intégrer Vega Squadron en novembre de cette année. Il a connu ses premiers succès avec cette équipe qu'il a accompagnée durant deux saisons et où il a cotoyé 9pasha et Solo. Toutefois les performances de l'équipe ont marqué le pas après l'automne 2015. Il a alors élargi ses horizons pour intégrer Virtus Pro en août 2016.

  • The International 2017 : Virtus Pro, 5-6ème

No[o]ne est sans conteste l'un des meilleurs mid au monde - d'aucuns estiment qu'il est le meilleur - depuis plus d'un an. Il est capable, comme RAMZES, de prendre un avantage violent sur sa ligne en situation de 1v1, ce qui rend difficile la tâche de l'adversaire qui a deux menaces à gérer simultanément. Il a fait largement évoluer son pool de héros cette saison pour s'adapter aux patchs et on le voit beaucoup moins sur ses héros signatures d'antan. Il a énormément évolué sur Death Prophet et Gyrocopter ces derniers temps, mais il faut clairement se méfier de sa capacité à ressortir des héros sur lesquels il était à l'aise auparavant sans les avoir sortis récemment.

A surveiller : Dragon Knight, Meepo

 

9pasha

9pasha ("Pacha") est un compagnon de longue date de No[o]ne : il a fait ses débuts dans les mêmes équipes secondaires, est passé ensuite chez Vega Squadron. Il a cependant quitté cette équipe quelques mois avant TI6 pour tenter l'aventure dans divers stacks CIS, sans résultats probants. Il a également intégré VP en août 2016.

  • The International 2017 : Virtus Pro, 5-6ème

9pasha a joué selon les époques comme carry (sa position chez Vega) ou comme offlaner. C'est à ce poste qu'il a intégré Virtus Pro, même s'il peut être amené à faire des choses plus variées cette saison, les cores de VP échangeant régulièrement leurs places. Il joue beaucoup Doom et Omniknight ces derniers mois, mais garde de nombreux picks surprises dans ses manches. Il a beaucoup fait évoluer ses héros de prédilection depuis l'an dernier.

A surveiller : Naga Siren, Dark Seer

 

RodjER

Seul joueur nouveau dans la line-up par rapport à l'an passé, RodjER n'est pas pour autant un perdreau de l'année. Il a entamé sa carrière compétitive en 2014 au sein de nombreuses équipes très secondaires de la scène CIS, sans parvenir à percer. Au printemps 2017, il se fait enfin connaître chez Team Empire : une qualification à TI7 et un top 8 dans ce tournoi le placent en pleine lumière. Il est ensuite recruté par Na`Vi, puis échangé contre Lil en février 2018, après avoir remporté le WESG aux côtés de Solo, RAMZES et 9pasha. Son arrivée s'est effectuée sans heurts et a clairement donné un second souffle à VP cette saison.

  • The International 2017 : Team Empire, 7-8ème

Ce support position 4 s'est fait une belle réputation sur des héros junglers (il joue encore son Chen de temps à autre) et sur des roamers comme Earth Spirit. Il débloque rapidement des kills sur les différentes lignes. Cependant, ces derniers mois, on le voit davantage en dual lane, souvent avec 9pasha, sur Sand King ou Tusk en particulier. Il garde toujours des héros inattendus en réserve, ce qui en fait un adversaire redoutable.

A surveiller : Chen, Pudge

 

Solo

Vétéran de l'équipe, Solo a croisé longtemps dans les eaux troubles de la zone CIS. Pendant des années, il n'a guère été considéré, marqué du sceau de l'infamie à l'occasion de son pari perdant qui en a fait le "monsieur 322". Il est sorti de ce cloaque au printemps 2015, lorsque Vega Squadron le recrute ; il joue ensuite un an avec No[o]ne ou 9pasha. C'est à lui que fait ensuite confiance Virtus Pro en août 2016 pour monter une équipe solide, ce qu'il a brillamment réussi. Il peut désormais être considéré comme le meilleur capitaine actuel de la zone CIS, ce que personne n'aurait imaginé il y a quelques années.

  • The International 2017 : Virtus Pro, 5-6ème

Solo occupe la position 5 de son équipe, dans toute l'acception du terme. Il est à la fois le support de ligne pour RAMZES666, le responsable de la vision et l'agneau sacrificiel qui encaisse toutes les smokes adverses. Les évolutions du jeu font qu'il termine moins pauvre qu'avant les parties, en revanche il meurt toujours beaucoup - mais, la plupart du temps, pour une bonne raison. Il apporte énormément à ses coéquipiers, notamment aux cores à qui il offre l'opportunité de dérouler leur jeu sans avoir à s'inquiéter. Son pool de héros reste par contre assez limité : il tourne sur une poignée de héros, en particulier Disruptor qu'il prend énormément.

A surveiller : Oracle, Treant Protector

 

Conclusion

Virtus Pro, un an après sa véritable éclosion, est toujours une équipe pleine de vitalité : même si certains joueurs ont écumé la scène compétitive, tous restent relativement nouveaux au plus haut niveau. Cela assure une créativité certaine et l'intégrité de l'appétit de victoire. Virtus Pro a une revanche à prendre sur l'an dernier et, incontestablement, elle a les moyens de ses ambitions.

Pour la deuxième année consécutive, mais sans doute plus encore que l'an dernier, l'équipe russe fera partie avant le tournoi du petit cercle des favoris. Ce statut peut être difficile à assumer pour une équipe inconstante qui affronte son premier International ; est-ce encore un problème pour une équipe outrageusement dominante à son deuxième ?

Pour conclure sur les chances de Virtus Pro dans cet International, laissons la parole à YouYou, fan de longue date du davai doto et streamer depuis longtemps sur la FroggedTV :

Cette année, on a une particularité : il y a beaucoup de favoris pour cet International qui sont sur la même longueur d'ondes. Il y a trois mois, j'aurais dit que Virtus Pro était au-dessus des autres, mais avant l'ESL One Birmingham, j'ai eu peur qu'ils ne se trouvent sur une pente descendante, avec un hero pool des joueurs qui se renouvelait peu.

Mais le repos pris a payé : les joueurs ont testé de nouvelles choses en pubgame, le pool de héros était au rendez-vous et Virtus Pro a fait très peu d'erreurs dans ce tournoi.

Ils ont fait une très bonne saison, je craignais qu'ils ne soient sur la fin de la cuite et que TI corresponde à la gueule de bois. Maintenant je dirais que peu importe le résultat du SuperMajor, ce sera l'une des équipes les plus étudiées pour The International.