Les équipes de TI8 : Mineski

Par darwyn, le 07.06.2018

Cinquième épisode d'une série dont la durée totale demeure indéterminée, cet article s'attarde sur une équipe d'Asie du Sud-Est dont les résultats et l'évolution du SuperMajor ces derniers jours ont fait l'un des invités du futur International 2018. Des éclairages de Llewela et v0ja viennent compléter cette présentation évidemment non exhaustive.

Retrouvez par ailleurs les articles précédents :

  1. Team Liquid, les vainqueurs de 2017 (écrit par Llewela ; invités : Kaoru et Ze_HailD)
  2. Virtus Pro, favoris trop tôt ? (invités : Profchen et YouYou)
  3. PSG.LGD, le nouveau rêve chinois (invités : Xavyeahz et Profchen)
  4. Team Secret, enfin la bonne année ? (écrit par Guiguioh ; invités v0ja et Namax)

 

Une émergence difficile

La structure Mineski a un long historique sur Dota 2. Implantée aux Philippines, peu de ses line-ups ont rencontré le succès des années durant : une apparition à The International 2011, puis il faut attendre fin 2015 pour retrouver une équipe Mineski au Major de Francfort. En dehors des tournois de la région SEA, Mineski ne brille pas jusqu'au printemps 2017.

A ce moment-là, peu après l'échec dans les qualifications pour le Major de Kiev, la structure décide de sortir des frontières nationales. Elle recrute des joueurs extérieurs à la scène philippine, notamment l'ancien capitaine de Fnatic, le Malaisien Mushi. Deux recrues sont carrément originaires de la scène CIS, dont l'Ukrainien Mag~. Ce mix détonnant approche du succès mais échoue toujours de peu à se qualifier pour les tournois de gros calibre. Les qualifications SEA pour The International 2017 sont un nouvel échec.

De ce fait, l'après-TI7 amène son lot de changements. Deux joueurs seulement demeurent, Mushi et ninjaboogie (capitaine de Mineski avant Mushi), mais l'équipe se recentre sur la scène SEA. Elle absorbe alors les résidus de la Team Faceless, iceiceice et Jabz. Très vite, la nouvelle version de Mineski s'impose comme la force dominante dans sa région au début de la saison 2017-2018 : en septembre, l'équipe décroche quatre places dans des Minors - mais échoue à se qualifier pour un Major. Elle termine en finale du premier Minor et remporte le deuxième, le PGL Open Bucarest.

Palmarès de la saison

  • StarLadder i-League Invitational : 2ème
  • PGL Open Bucarest : 1er
  • Captain's Draft 2.0 : 3-4ème
  • StarLadder i-League Invitational 4 : 3-4ème
  • Dota 2 Asia Championships 2018 : 1er

 

Un succès éphémère ?

Mais après ce départ tonitruant, les résultats commencent à stagner. Mineski doit attendre février pour jouer son premier Major : les bonnes places dans les Minors du début de la saison lui valent en effet des invitations pour plusieurs gros tournois. Mais l'ESL One Katowice comme le Major Bucarest sont des échecs.

Un mois plus tard, pourtant, Mineski décroche son plus grand succès : la victoire au DAC 2018. Dans ce tournoi, elle fait bonne figure dès la phase de poules et bat à deux reprises LGD, en finale Upper Bracket puis dans une grande finale très disputée. C'est le premier titre de Major qui échappe à OG, Virtus Pro ou Team Secret en trois saisons, et le premier titre important d'une équipe d'Asie du Sud-Est depuis le printemps 2016 !
 

Les vainqueurs du DAC 2018

Avec cette belle victoire début avril, Mineski fait figure de prétendant sérieux dans les trois Majors du mois de mai... et finit à chaque fois top 6, aux portes des DPC. Dans deux cas, elle est éliminée par des équipes qui paraissent nettement plus faibles à ce moment-là, Newbee et paiN Gaming. Dans le SuperMajor actuellement en cours, elle est en Lower Bracket depuis sa défaite face à PSG.LGD.

Les bons résultats de l'automne ont été suivis par une longue période de marasme. La victoire au DAC relance très brièvement la machine, tout en apportant suffisamment de DPC pour envisager sérieusement l'invitation à TI8. Celle-ci n'est cependant acquise que le premier jour des Playoffs du SuperMajor, en raison des défaites d'équipes qui auraient pu la menacer. C'est donc une invitation par défaut - pas forcément le scénario idéal.

Comment définir Mineski brièvement ? Quelques questions ont été posées à Llewela, fan d'un joueur en particulier dans cette équipe - saurez-vous identifier duquel il s'agit ?

En trois mots, comment définirais-tu le jeux de Mineski ?
Agressif, SEA, Pangolier.

Quel est leur principal point fort ?
Iceiceice !

Et leur principal point faible ?
Mushi et ses builds...

Dans quelle phase de jeu sont-ils les plus forts ?
Early et mid. Il y a souvent des dives en sortie de phase de laning.

Si tu devais citer trois héros emblématiques, lesquels serait-ce ?
Le Pangolier et le Timbersaw d'iceiceice, la Windrunner de Jabz.

Qui est le joueur clef de la line-up ?
Pangol-... ah, pardon : iceiceice.

Pour toi, la vraie Mineski, c'est celle qui remporte le DAC ou celle qui a fini top 6 dans trois Majors en mai ?
Les deux, mais je préfère la version qui repart avec la coupe.

Une victoire à TI8, pour toi, ce serait...
Amazing !... mais improbable.

 

Les joueurs

Mushi

Mushi est un Malaisien qui a une longue carrière derrière lui. Il a débuté sur DotA en 2010 et a joué plusieurs années sur sa scène nationale, notamment chez Orange. Il part ensuite en Chine pour devenir capitaine de l'équipe légendaire DK en 2013-2014. TI4 s'achevant sur un semi-échec, il a ensuite oscillé entre la Malaisie et la Chine, avant de rejoindre Fnatic peu avant TI5, et la dirige durant deux Internationaux très différents. Il n'a quitté cette dernière équipe qu'au début de l'année 2017 pour basculer chez Mineski. On ne l'a pas vu à TI7, puisque Mineski n'a pas réussi à se qualifier. En dépit de cette absence, il affiche un palmarès tout à fait remarquable.

  • The International 2012 : Orange, 7-8ème 
  • The International 2013 : Orange, 3ème
  • The International 2014 : DK, 4ème
  • The International 2015 : Fnatic, 13-16ème
  • The International 2016 : Fnatic, 4ème

Joueur très polyvalent, il alterne entre le rôle de carry et celui de mid depuis 2013 : on peut considérer Mushi comme un précurseur des swaps entre les lignes et les positions pour les joueurs de core. Désormais, il est en général en safelane mais peut y prendre des héros étiquetés mid. Malgré sa polyvalence, il joue énormément Gyrocopter ces derniers mois et la plupart de ses parties ont été faites avec une poignée de héros seulement.

A surveiller : Antimage, Medusa

 

Moon

Connu sous le pseudonyme NaNa par le passé, Moon est dans le circuit depuis la fin 2014. Il n'a joué qu'au sein d'équipes malaisiennes de second rang pendant longtemps mais a remporté quelques succès chez WarriorsGaming.Unity à partir de la fin 2016. Il est recruté par Mineski après l'échec de la qualification pour TI7.

  • Première participation à The International

Moon est essentiellement un solo mid, connu avant tout pour son Invoker, qu'il a peu sorti dernièrement. Comme beaucoup de mid, il a fait évoluer son panel de héros avec les patchs : depuis quelques mois, il passe son temps sur Dragon Knight et Death Prophet.

A surveiller : Invoker, Timbersaw

 

iceiceice

Mineski comporte deux stars de la scène SEA, Mushi et iceiceice. iceiceice a une douzaine d'années d'expérience en compétition, sur DotA puis Dota 2 (avec un interlude Starcraft II) : c'est peu de dire qu'il est un vétéran. Sur Dota 2, il a évolué dans la zone SEA puis en Chine, d'abord dans l'équipe DK dirigée par Mushi, puis chez Vici Gaming et EHOME. Après The International 2016, il est revenu dans la zone SEA où il a fondé Team Faceless, qui a dominé la scène régionale la plus grande partie de la saison... pour échouer à se qualifier à TI7. Pas de bol. Il est ensuite parti rejoindre Mushi chez Mineski.

  • The International 2012 : Zenith, 5-6ème
  • The International 2013 : Zenith, 9-12ème
  • The International 2014 : DK, 4ème
  • The International 2015 : VG, 4ème
  • The International 2016 : EHOME, 5-6ème

iceiceice est d'abord et surtout un offlaner, l'un des meilleurs pendant des années. Son credo a longtemps été que mourir en début de partie n'est pas très grave si cela permet d'y gagner quelque chose (une ligne déséquilibrée, beaucoup d'expérience...) : autant dire qu'il est comme un poisson dans l'eau de l'offlane actuelle, où il est moins important de faire attention à soi. Il est capable de jouer à peu près tous les héros, avec une forte composante de Pangolier dernièrement.

A surveiller : Pangolier, Timbersaw

 

Jabz

Ce joueur thaïlandais a débuté dans des équipes nationales n'ayant jamais vraiment percé à l'international à partir de 2014. Il reste notamment un peu plus d'un an chez Signature.Trust. Sa carrière décolle vraiment lorsqu'il intègre la Team Faceless fondée par iceiceice après TI6. Au cours de l'été qui a suivi le plantage du Qualifier SEA, il accompagne iceiceice chez Mineski.

  • Première participation à The International

Jabz a débuté comme support, puis est passé au mid (y compris au début chez Team Faceless), avant de repasser support. C'est à ce poste qu'il intègre Mineski, comme un clair position 4. Il jouait des roamers à une époque, il prend désormais des héros forts en offlane pour épauler iceiceice. Nature's Prophet ou Nyx Assassin lui réussissent particulièrement en ce moment, mais il garde des atouts surprenants dans sa manche. Il est le joueur le plus ciblé par les bans adverses (avec iceiceice et son Pangolier).

A surveiller : Meepo, Io

 

ninjaboogie

Ce joueur philippin est aussi un vétéran de la compétition : avant d'arriver sur Dota 2 en 2012, il était impliqué sur HoN. Il est cependant beaucoup moins connu à l'étranger que Mushi et iceiceice, car il est surtout resté dans des équipes pinoy, peu réputées. Il rencontre quelques succès chez Rave en 2015, sans lendemain. Il est recruté par Mineski à l'été 2016 : il est donc le plus ancien Mineski de la line-up actuelle. En dépit de son ancienneté, il n'a jamais participé à un International ; avant cette saison, il n'avait disputé qu'un seul tournoi majeur, le DAC 2015, où il était parvenu dans le top 6 avec Rave.

  • Première participation à The International

ninjaboogie est le capitaine d'une équipe qui compte pas moins de trois capitaines expérimentés (Mushi et Jabz). Il est aussi le support de ligne, le position 5 de son équipe ; au cours des années précédentes, il a joué à peu près à toutes les positions. Il peut se débrouiller avec à peu près tout (sauf les héros à micro-gestion), sans se démarquer particulièrement sur quelques héros. De fait, il s'adapte à la méta et aux besoins du moment.

A surveiller : Night Stalker, Bounty Hunter

 

Conclusion

Mineski réunit deux des plus grandes stars du Dota sud-est asiatique, Mushi et iceiceice, deux vétérans qui ont fait partie de l'une des plus grandes équipes Dota 2, DK de la saison 2013-2014. Mais l'on aurait tort de résumer l'équipe actuelle à ces deux noms illustres : les trois autres joueurs ont gagné leurs lettres de noblesse et doivent être considérés à part entière. Signe des temps, c'est bien ninjaboogie qui est le capitaine. Cependant, en dépit de ses réussites incontestables, Mineski semble à la peine en cette fin de saison, tandis que brillent de nouvelles étoiles sur la scène SEA.

La victoire au DAC était-elle un accident et Mineski est-elle désormais condamnée à faire de la figuration à The International 2018 ? Une victoire en Major rend l'invitation à TI légitime, mais ne devoir sa place qu'à l'échec des autres, est-ce le meilleur tremplin pour aborder le tournoi le plus important de l'année ? v0ja de la FroggedTV, grand amateur de jeu SEA depuis plusieurs années, partage avec nous son analyse de Mineski :

Mineski c'est l'équipe qu'on ne peut pas ne pas aimer. Elle apporte toujours une énorme touche d'originalité dans ses drafts, que ce soit via le Pangolier ou le Timbersaw de Daryl, via la Mirana de Moon ou encore le Meepo de Jabz. Elle sait conquérir les coeurs et faire vibrer la foule.

C'est du DotA SEA dans sa forme la plus pure. Des mecs avec des idées farfelues qui décident de travailler ces dernières plutôt que de les laisser de côté pour rentrer dans le Dota-Moule du reste du monde ! Leur très grande imprévisibilité et toute la versatilité qui va avec forment clairement la force de l'équipe. Cette manière de faire apporte un énorme atout mental. Lorsque vous décidez de ne pas jouer comme les autres, vous allez prendre des claques, cela vous force à travailler sur le mental et la capacité à ne pas se laisser abattre suite à l'échec. En revanche, ce point fort permet de ne jamais être considéré comme incapable de remonter une partie ou un BO.  Mineski est de ce fait une équipe tout aussi dangereuse sur un Bo5 d'Upper Bracket que sur un simple Bo1 de Lower.

Dernièrement, les résultats de l'équipe ne sont pas aussi bons qu'on aurait pu l'espèrer, sans être vraiment mauvais : ils arrachent des 5-6e place dans les derniers tournois. Certaines défaites sont assez dures, à l'image du BO perdu 2 à 0 face à paiN Gaming lors de l'ESL one Birmingham. IceIceIce & co vont devoir redoubler d'efforts en vue de The International 8.

Mineski décroche son invitation grâce au résultat d'une autre équipe dans le SuperMajor, qui assure d'avoir le nombre de points nécessaire pour se rendre à TI. C'est une qualification certes méritée, mais pas obtenue largement contrairement à Virtus.Pro ou Team Liquid. Je pense qu'il est nécessaire pour Mineski de travailler sur beaucoup de stratégies différentes lors de sa préparation pour The International. S'ils se mettent a vouloir jouer comme les autres, ces derniers auront un temps d'avance sur eux. Mais il ne faut pas pour autant rester sur les surprises montrées lors des mois précédents. L'équipe va donc devoir trouver le bon équilibre entre innovation et stabilité.

Je les sens capable du mieux. Certains vous diront peut-être qu'ils sont capables du pire également. Mais avec des supporters aussi dédiés et investis que le fantastique marSu from Baguette, Daryl et ses compères décrocheront l'Aegis sans le moindre problème ! Et puis, soyons honnêtes, ça serait sympa qu'une équipe SEA reparte avec le titre pour une fois, non ?