RoadToTI7 : six Internationaux, de multiples histoires

Par darwyn, le 15.07.2017

Depuis 2011, The International est LE grand rendez-vous annuel Dota 2, faisant office de championnat du monde. Ce tournoi est tellement important qu'il dicte le tempo entier de la saison et que l'on ne cesse de faire référence aux éditions passées. Si vous avez raté certaines éditions ou si vous ne vous intéressez que depuis peu à l'e-sport Dota 2, voici l'essentiel de ce qu'il faut retenir sur les précédentes compétitions.

 

The International 2011 : à la découverte de Dota 2

The International 2011 était le premier tournoi Dota 2. Le jeu, encore en phase de réelle bêta test, n’avait distribué que peu de clefs à cette date. Il s’agissait donc de la première occasion de découvrir le nouveau bébé de Valve pour le grand public comme pour une grande partie des joueurs de DotA. L’intérêt était évidemment important, d’autant plus que l’éditeur du jeu avait fait un choix audacieux : le doter de 1,6 million de dollars, une somme inimaginable pour l’époque pour une compétition d’e-sport (à tel point que certaines grandes équipes chinoises ont cru à une arnaque et n’ont pas participé…).

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The International 2011 reste le tournoi de la découverte. Le jeu était très incomplet, avec un pool de héros ridicule par rapport à DotA, et peu d’équipes s’étaient vraiment entraînées sur Dota 2, comme Na`Vi. De ce fait la compétition est plus mémorable pour ce qu’elle représentait que pour son déroulement (immortalisé cependant par un documentaire de Valve paru plusieurs années après).

Il s’est achevé par la victoire de l’équipe ukrainienne Natus Vincere, qui avait battu en finale EHOME, considérée à cette époque comme l’une des meilleures, sinon la meilleure, équipe de DotA.

Natus Vinctere, champions du monde 2011

1 – Natus Vincere (Ukraine)
2 – EHOME (Chine)
3 - Scythe Gaming (Singapour)
4 - Meet Your Makers (Danemark)

Le fait marquant : seuls 46 héros étaient disponibles lors de TI1 ; 45 d'entre eux ont été joués au moins une fois. Axe, mal-aimé du tournoi, n'a pas été pick mais a été banni une fois.

 

The International 2012 : la Chine contre le monde

The International 2012 marque la première grande confrontation entre le DotA chinois et le reste du monde. En effet, les équipes chinoises n’avaient pas encore migré sur Dota 2 et évoluaient entre elles, sans vraiment se frotter aux équipes internationales. L’affrontement était donc très attendu par les observateurs et par le public.

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La force des Chinois a surpris dès l’ouverture de TI2 tous ceux qui ne s’intéressaient pas à cette scène : LGD, notamment, a écrasé la concurrence dans les premiers jours. Le tournoi a vite tourné à la lutte contre Na`Vi, le David européen, l’équipe championne de l’année précédente qui avait derrière elle tout le public occidental, et les multiples Goliath chinois. Na`Vi a su faire battre le coeur de ses fans, alors très nombreux, en battant LGD, en surclassant les compositions les plus efficaces de l’époque (en réalisant « The Play »), puis en parvenant en finale. En revanche, les Ukirainiens ont dû s’incliner contre Invictus Gaming.

Invictus Gaming, champions du monde 2012

1 – Invictus Gaming (Chine)
2 – Natus Vincere (Ukraine)
3 – LGD (Chine)
4 - DK (Chine)

Le fait marquant : sur l'ensemble du Main Event, Natus Vincere est la seule équipe non chinoise à avoir battu une équipe chinoise (DK, iG puis LGD).

 

The International 2013 : dans la continuité de la saison

Alors que The International révèle souvent de grandes surprises, cela n’a été que partiellement le cas lors de TI3. Les deux équipes européennes qui ont dominé la compétition sont en effet celles qui ont écrasé l’ensemble de la saison, laissant en particulier de côté les équipes chinoises (même si certaines avaient fait un bon départ, comme LGD) et leur jeu trop patient, trop ordonné, trop sage. Orange e-sports a toutefois perturbé la narration attendue de l’affrontement Na`Vi – Alliance en réalisant une magnifique remontée du Loser Bracket qui a amené cette équipe malaisienne aux portes de la finale – un tragique deny d’Aegis brisant ce rêve –, ce qui reste le meilleur résultat réalisé par une équipe SEA dans un TI.

Tout au long de la saison, Natus Vincere et Alliance ont remporté tournoi après tournoi. Les deux équipes n’ont cessé de se disputer la première place. The International 2013 a marqué l’apogée de ce combat qui opposait deux équipes archi-médiatiques, deux blocs en Europe, mais aussi deux visions du jeu : les stratégies fantasques et l’agression des Ukrainiens contre la planification minutieuse et le rat des Suédois. La finale de TI3 a été sans conteste la plus intense d’un International : un duel indécis jusqu’au bout, avec cinq manches dont la dernière est restée constamment sur le fil du rasoir. Sur le « million dollar Dram Coil », Alliance est devenue le troisième champion.

Alliance, vainqueurs de The International 2013, avec l'Aegis of the Champions

1 – Alliance (Suède)
2 – Natus Vincere (Ukraine)
3 – Orange e-sports (Malaisie)
4 – TongFu (Chine)

Le fait marquant : la finale de TI3 reste la seule finale d'un International à avoir été jouée en cinq manches.

 

The International 2014 : innovant... et frustrant

The International 2014 marque de nombreuses ruptures : changement de lieu, adieu le Benaroya Hall, bienvenue le KeyArena, de dimension par conséquent, innovation sur le Compendium et première fois qu’une compétition e-sportive dépasse les dix millions de dollars de dotation. Le format change également, avec un immense round Robin d’ouverture et une suite pas forcément très claire.

TI4 s’impose dès le départ comme le tournoi de Vici Gaming et de son style de jeu, extrêmement rapide, la deathball push – regrouper les cinq héros aux alentours de la minute 15 et pousser à partir de là pour finir dans les dix minutes. VG a dominé le round Robin, abattant ses adversaires les uns après les autres, y compris ceux qui étaient réputés les plus coriaces ; envoyée en Loser Bracket par Newbee, VG a ensuite éliminé ses différents adversaires pour tenter dr prendre sa revanche.

Logiquement, les vainqueurs du tournoi ont donc été… les seuls qui ont été en mesure de surclasser Vici Gaming. Newbee, l’équipe chinoise qui montait très rapidement en Chine depuis le printemps 2015, avait en effet un style proche mais plus adaptable. La finale opposait donc pour la première (et seule) fois deux équipes chinoises. Elle a été constituée de quatre manches rapides et toujours à sens unique : très frustrante, elle a largement pesé sur la mauvaise réputation attachée à TI4, où l’on avait pourtant vu de très belles choses.

Dota 2

1 – Newbee (Chine)
2 – Vici Gaming (Chine)
3 – Evil Geniuses (USA)
4 – DK (Chine)

Le fait marquant : sur l'ensemble du tournoi, Vici Gaming a remporté sept parties en moins de 20 minutes (et en a perdu trois aussi rapidement, à chaque fois contre NewBee). La victoire la plus tardive de VG est intervenue en 44 minutes 58 secondes.

 

The International 2015 : EG contre le péril jaune

TI5 s'inscrit dans la continuité de l'édition précédente : même lieu et même inflation gigantesque du cashprize (plus de 18 millions de dollars à la fin). Comme en 2014, d'ailleurs, ce tournoi est largement dominé par les équipes chinoises, tandis que les équipes européennes s'effondrent rapidement. Quelques teams tirent leur épingle du jeu, comme Virtus Pro qui fait battre le coeur des fans du Dota CIS, ou CDEC qui fait un tournoi magnifique après s'être qualifiée par le Wildcard Tournament !

CDEC dicte d'ailleurs la méta de ce tournoi. L'équipe chinoise que tous ceux qui ne suivaient pas particulièrement la scène CN découvrent dans ce tournoi écrase tout sur son passage, notamment une équipe LGD qui avait, une nouvelle fois, extrêmement bien démarré. Seule Evil Geniuses est parvenue à tirer son épingle du jeu contre les Chinois, et encore, après avoir perdu la finale du Winner Bracket. La finale entre CDEC et EG a avant tout viré au duel entre deux drafteurs exceptionnels, Q contre ppd - et EG est devenue championne de TI5 sur un Echo Slam d'anthologie.

1 - Evil Geniuses (USA)
2 - CDEC (Chine)
3 - LGD (Chine)
4 - Vici Gaming (Chine)

Le fait marquant : les équipes chinoises ont remporté 62 % de leurs matchs contre des équipes venant d'autres régions (contre 61,8 % lors de TI4). Evil Geniuses, avec 13 manches gagnées et six défaites, est la seule équipe qui s'en est bien sortie contre les Chinois.

 

The International 2016 : le tournoi du chaos

L'édition 2016 s'ouvre de manière assez attendue dans le groupe A, avec des favoris au rendez-vous, tandis que très vite le groupe B fait mentir tous les pronostics. La suite vire au jeu de massacre : toutes les équipes du Winner Bracket qui perdent un match se font éliminer dans la foulée, sauf Digital Chaos, tandis que des équipes sur qui personne n'aurait misé un kopeck opèrent des remontées sorties de nulle part, telle Fnatic. Les favoris du tournoi avant son ouverture se font presque tous éliminer hors du top 8 !

Il est probable que personne n'aurait pu prédire l'affiche de cette finale avant que The International ne débute : Digital Chaos contre Wings Gaming. Cette dernière équipe s'est montrée absolument imprévisible tout au long de la compétition, ne cessant de sortir des héros que tous ses adversaires ne prenaient même pas en considération. Wings devient la sixième équipe championne de The International, sans avoir été mise en difficulté lors du Main Event ; l'équipe au jeu le moins prévisible remporte le TI le plus chaotique.

The International 2016 reste comme le tournoi des qualifiés, là où TI5 avait été celui des équipes du Wildcard. Les invités ont dans l'ensemble fait pâle figure : une seule équipe invitée sur six se hisse péniblement dans le top 8 ! Par ailleurs, ce sont les équipes venant des scènes les moins attendues, Asie du Sud-Est et Amérique du Nord, qui ont réalisé les performances les plus remarquables, là où l'Europe et la Chine ne sont guère en forme (et ce même si TI6 respecte l'alternance et voit le triomphe d'une équipe venue de Chine). Enfin, il a incontestablement été l'International à la méta la moins figée, joué sur le patch le plus équilibré jusqu'alors.

1 - Wings Gaming (Chine)
2 - Digital Chaos (USA)
3 - Evil Geniuses (USA)
4 - Fnatic (Malaisie)

Le fait marquant : 105 héros ont été joués au moins une fois au cours de The International 2016, laissant de côté à peine cinq héros.

 

Conclusion

Chaque TI possède sa dynamique et sa physionomie propres. Certaines clefs de lecture pourraient être mobilisées pour les observer de manière englobante : les équilibres régionaux, en particulier la rivalité Chine/Occident, les parcours des favoris, les réussites inattendues, les patchs et l'équilibre du jeu... Il n'en reste pas moins que l'on ne sait jamais à quoi s'attendre vraiment lorsque le rideau se lève chaque été, et que les cartes sont rebattues rapidement, donnant naissance à un tournoi rarement conforme à la logique des mois écoulés.